C'était vers la fin du mois d'août, j'avais encore la télé, dans je ne sais plus quelle émission j'entendais le procès de personnalités, comme Gainsbourg par exemple. On leur reprochait de profiter de leur célébrité pour se permettre d'être sexistes et vulgaires, sans doute à cause des écarts de conduite d'hommes célèbres qui font la une en ce moment. Encore un prétexte démagogique à souhaits pour tout mélanger et désinformer.

Je me souviens d'une conversation avec un ancien collègue de travail qui avait le don de toujours contredire et contrarier tout le monde (en fait les ignorants fiers de l'être) avec ses propros provocateurs. Et pour une fois, nous étions d'accord : la différence entre la grossièreté et la vulgarité, c'est le niveau d'éducation.

On ne peut malheureusement que constater que le niveau d'éducation s'est effondré ces quarante dernières années. Même si on en demande toujours plus aux étudiants, c'est toujours dans le but d'attiser la compétition et l'insécurité chez les jeunes, et de sélectionner "les meilleurs" (sur quelles bases ?). Mais que reste-t-il de ces quantités de connaissances à assimiler en si peu de temps ? Pas grand-chose. C'était déjà le cas pour ma génération.

Déjà Montaigne (1533-1590) déplorait l'enseignement de son époque avec sa célèbre phrase : "Mieux vaut une tête bien faite qu'une tête bien pleine". Comme me disait un ami il y a quelques années, aujourd'hui, l'éducation génère plutôt des "têtes bien vides".

Si le surréalisme, par exemple, était au départ un mouvement de jeunes érudits qui remettaient en question l'establishment de leur époque, les phrases saccadées d'un Apollinaire, par exemple, c'est de la poésie.

En revanche, les phrases saccadées inscrites sur un mur par un perdu qui cherche son identité par mimétisme, ou un illettré pour lequel ce langage est plus accessible, c'est aux limites de la vulgarité.

Mais attention, ce n'est pas cet individu qui salit les murs avec une souffrance bel et bien réelle que je critique. D'ailleurs c'est plus à lui que je ressemble, en barbouillant mon forum en solitaire. Je m'en prends plutôt à ce nouvel establishment qui, ayant pris au mot les revendications des "soixantehuitards", leur a emboîté le pas en encourageant l'ignorance, le laisser-aller et la médiocrité, l'ambition (devenue plus passive que pacifiste) et l'envie. A partir de là, la porte est grande ouverte à l'individualisme qu'on connaît aujourd'hui, l'incapacité des individus à communiquer, comparer et analyser sur la base de connaissances solides, maintenant ainsi chacun dans l'instabilité et la vulnérabilité.

De cette façon, on encourage insidieusement cette médiocrité de la connaissance populaire en discréditant des provocateurs comme Gainsbourg, enterrant ainsi définitivement un mouvement qui s'opposait à un certain contexte social, auquel appartenait cet artiste.

Encore une fois, ce n'est pas l'ignorance populaire que je critique, mais l'apologie de cette ignorance dont le résultat recherché ne se fait pas attendre. Des auditeurs expriment alors très légitimement leur indignation devant cette injustice : "Pourquoi eux et pas nous ?".

Deux réponses s'imposent avec évidence qui ne mènent qu'à une seule en fait, la répression :

1) faisons taire les provocateurs

2) laissons le petit peuple s'exprimer vulgairement à tort et à travers, ce qui contribue à le discréditer (par lui-même en plus) dans un premier temps, puis nécessitera des sanctions légitimisées à leur tour puisque forcément il y aura débordement.

Finalement, les méchants réactionnaires des années '70 qui dénonçaient le laxisme ambiant, avaient peut-être une vision moins totalitaire que les adeptes compulsifs du nivellement par le bas d'aujourd'hui.

Pendant ce temps, des personnes de bonne volonté tentent de lutter contre le décrochage scolaire, et des artistes ont remisé leurs tartes à la crème et petits coeurs brisés pour oser quelques idées un peu plus engagées ou du moins réalistes sur les travers de notre société.