Le bon vieux temps
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 Souvenirs éclatés

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Boulezail
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Boulezail


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Humeur : ... comme disait mon grand-père ...

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12112010
MessageSouvenirs éclatés

jeudi 11 novembre 2010 14h55

Ne trouvant pas, encore une fois, le courage de mettre mes plans à exécution ce matin, pour m'être levée trop tard encore, pour m'être couchée trop tard encore, et me laissant séduire par l'irrésistible soleil qui cognait à ma fenêtre, je me suis assurée que tout le monde avait à manger et à boire, et je suis sortie prendre l'air. Il y avait longtemps, j'en avais besoin de toutes façons.

Lassée de pleurer le grand parc où j'avais conduit symboliquement mon chien, et qui a non seulement, depuis, changé de visage, mais s'offre maintenant gratuitement en exclusivité aux résidents de la ville, j'ai décidé d'aller à un autre parc où mon vieux compagnon aimait s'étendre en regardant passer les plus jeunes ou d'autres vieux comme lui, qui venaient le saluer. J'aimais, de mon côté, prendre un café et écrire ou lire dans ce petit carré d'herbe entouré d'arbres, et échanger quelques mots avec les promeneurs. Je préférais d'ailleurs ce petit cocon chaleureux et sécurisant, où, en plus j'avais plus de chances de discuter un peu. Et de ça aussi, j'en avais besoin.

Au fond du carré, un joli petit bois habité par des écureuils et des pics, semblait monter la garde devant une étendue d'eau où siégeait en son milieu une minuscule île boisée hébergeant une faune diverse et fourmillante.

Avec ses taillis fournis et ses sentiers naturels gravés par les marcheurs et traversés de racines noueuses, même tout petit et collé comme un timbre poste à l'ouest de la ville, ce bois me rappelait les bois sauvages que je parcourais dans ma jeunesse avec mon chien.

Arrivée devant l'entrée, un premier choc. A tel point que j'ai eu la sensation de m'être trompée. J'ai regardé de chaque côté de l'entrée ... Non, c'était la seule. Cette impression était peut-être due aux arbres dénudés, ou à un caprice du paysagiste cette année. Mais au fur et à mesure que j'avançais, mon étonnement grandissait. Tient, ils ont mis une clôture et une barrière neuves. Tient, ils ont changé l'orientation du stationnement, il me semble que c'est plus en biais qu'avant. Mais ! Je ne vois plus la haie d'arbres et de buissons où j'abritais mon auto du soleil l'été ! Et puis, on dirait bien que la lisière du bois est juste là ?
Je ne reconnaissais plus rien !

Je regardais tout autour de moi, cherchant mes repères. Je me suis finalement stationnée, puis me suis dirigée dans le petit bois où j'ai éclatté en sanglots. Ils ont coupé des arbres c'est sûr ! Et ça me fait mal lorsqu'on coupe des arbres. Je me dirigeais vers l'étang, toujours en quête de repères.

Il était encore là, avec son île rousse en cette journée d'automne sans nuage. Le bois, lui, n'avait plus une seule feuille sur ses arbres, plus de fourrés touffus, plus de sentiers de terre battue, étroits et invitants. J'avançais, en larmes et le souffle coupé, sur de larges chemins recouvers d'un épais tapis de gravier gris soigneusement aplani au rouleau compresseur. Il ne manquait plus que des guérites à hotdogs-frites et coke, et autres marchands de souvenirs et de lambeaux de nature.

A mon retour j'ai dédaigné les beaux chemins civilisés pour touristes, coupant à travers les zones recouvertes de feuilles et de branches mortes. Les yeux fixés sur le sol, je revoyais les promenades de mon enfance. Mon père disait que les immenses trous dans la forêt avaient été creusés par des obus. Je sentais la peur et la souffrance de ces hommes battre dans ma poitrine. Je sentais leurs efforts pour fuir l'horreur de la boue et du sang se crisper dans mes muscles. Et puis soudain la vie qui s'était de nouveau emparée de la terre, la recouvrant de baisers feutrés.

J'ai compris où était passé le petit carré d'herbe. Il était sous mon auto. Il n'y a plus de petit vestibule chaleureux et accueillant où il faisait bon échanger avec les autres promeneurs. Qui se soucie de ce détail de nos jours ?

J'ai fait le tour du stationnement qui avait bien doublé sa surface et suis entrée par l'autre grille. Puis j'ai traversé lentement en regardant l'endroit comme il était avant.

La boucle étant bouclée, je suis entrée dans le petit carré d'herbe avec mon chien, par l'ancienne porte, comme avant. Sous mes pieds, je transperçais l'asphalte et sentais la terre recouverte d'herbe à chacun de mes pas.

Je suis montée dans mon auto stationnée dans le petit carré muselé, j'ai regardé la lisière de mon petit bois démembré, et je suis repartie sur mon chameau.

Il y a quelques années, le sol s'était dérobé sous mes pieds, et, en quête de repères, je me tournais vers le passé. Mais de ce passé qui m'a fait grandir, je ne trouve plus rien aujourd'hui. Tout le tord et le distord.

Alors que je me résignais à me contenter d'un passé plus récent, là aussi, tout passe à la déchiqueteuse.

Les Hommes n'ont plus d'Histoire, plus de langue et de langage, plus légendes et de racines. Tout doit se renouveler, toujours, de plus en plus vite.

C'est comme s'il n'y avait plus qu'une seule et unique Vérité : l'éclatement frénétique.
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