Nous étions en vacances chez mes grand-parents. Il régnait une certaine effervescence tendue chez les adultes, des discussions sérieuses, un drame peut-être, ou une banale dispute ?
Comme d'habitude, les enfants étaient tenus à l'écart, pourtant contaminés par cette ébullition, sans explication, après tout, ça ne comprend rien, un enfant.
Perchée sur les premiers barreaux de l'échelle face à l'entrée de la cuisine, dans cette petite partie de la cour délimitée par le bâtiment en forme de'U', j'observais les allées et venues. J'ai très envie de savoir ce qu'il se passe.
Mon père sort, et, sans doute pour détendre l'athmosphère et retrouver une forme d'équilibre rassurant, je l'ivite à jouer :
"Rattrape-moi dans tes bras, papa !".
Il refuse : "Je vais plutôt te raconter une histoire. C'est un petit garçon monté sur un mur qui demande à son papa de le rattraper. Le papa recule et le petit garçon tombe par terre."
"Méchant". Je ne sais pas si je l'ai dit. Probablement pas, sinon je me souviendrais de la réplique. Mais c'est ce que je ressentais profondément sans savoir ce que je trouvais le plus méchant : le papa du petit garçon ? Le mien ? Le fait qu'il me prenne pour une idiote en inventant cette histoire et des personnages sans avoir le courage d'assumer ses intentions ? Tout le contexte ?
Il affichait une sorte de sourire crispé et une lueur effrayante brillait dans ses yeux, que j'ai revue plus tard dans le regard de Jack Nicholson dans "The shining".
En fait, il était probablement sorti pour prendre l'air, juste avant de se fâcher, ce qui pourrait être à son avantage, dans les circonstances.
J'ai même eu droit à la morale de l'histoire : "Il ne faut faire confiance à personne, même pas à son papa".
Brillante leçon.