Dans le manège des possibilités au centre duquel je me retrouve, les réalités défilent. Chacune se fixe un instant avec clarté puis s'estompe et reprend sa ronde, laissant place à une autre réalité aussi nette et limpide que la précédente, avant de disparaître à son tour.

Je viens de commencer "Train de nuit pour Lisbonne" de Pascal Mercier, un livre proposé par Chris (7 mars 2010 23:54), un lecteur du blog de Christophe André.
Je ne sais pas si c'est un livre pour moi en ce moment, partagée entre l'envie de partir, revoir des membres de ma famille qui peuvent m'aimer de loin - mais de proche, pourquoi en serait-il différemment qu'avant ? -- retrouver des lieux, essayer autre chose. Encore. Et d'un autre côté, continuer, encore, à essayer de m'installer et vivre ma vie ici pour quelques temps, ce que je tente de faire ... depuis vingt ans sans aucun succès.

J'étais une étrangère dans le pays où je suis née. Je suis une étrangère dans le pays que j'ai choisi pour commencer mon tour du monde ... et où j'ai échoué.

A mon retour, ne serai-je pas encore plus une étrangère ? Après vingt ans, tout a tellement changé, dépassant de loin les craintes qui m'ont poussée à partir ...

Alors que j'essayais de considérer ma vie auprès de ma grand-mère, avec le plus d'objectivité possible -- car je ne veux pas partir (encore ?) sur un coup de tête --, mon regard s'est posé sur le bocal où les branches de saule aux doux chatons achetées pour mon anniversaire, prennent racine. Mon coeur s'est serré.

Que vont devenir mes plantes, mes chats, mes oiseaux ?

Mis à part, un peu, les meubles que j'ai construits, le reste m'importe moins.

De toutes façons, dans trois mois, tout est fini, je n'aurai plus rien.

Mais quand je mourrai non plus.

Qu'est-ce qui me retient de partir maintenant alors ?

Est-ce que toute ma vie, je serai "responsable de ma rose" ?

Je me sens responsable de ce que j'ai choisi.

Mais eux, m'ont-ils choisie ?

Me détacher de tout et de moi-même ... alors la vie n'a plus de sens.

Est-ce que j'ai le droit de me consacrer à autre chose qu'aux lépreux sans que cela passe pour un caprice bassement matériel ?

Les plantes et les oiseaux, dans notre société hautement développée, ne sont que des biens de consommation.

Pour moi, ils sont la vie, ma vie, ma raison d'être. Ce pourquoi je suis encore ici. Etrangère. Sur la planète Terre.
(dimanche 28 mars 2010, 17h13).

Quel sens du drame, hein ? C'est "grostesquement" poignant.

Et voici qu'une nouvelle réalité passe avec son petit sourire espiègle. "Pourquoi donc laisser un saule pleureur prendre racine !" crie-t-elle en s'enfuyant aux éclats.